ATOMIC JOY

ATOMIC , 01, 2011

NORMAN SPINRAD, The big Flash

NORMAN SPINRAD, Le Grand Flash

La mort atomique
L’avènement de la bombe atomique a poussé l’anthropologie (philosophique ou sociologique) à devoir penser à nouveaux frais la question de l’humanité, de sa finitude et peut-être même de sa fin prochaine. L’audacieux philosophe Gunther Anders, qui ouvra la voie aux théories catastrophistes ultérieures (Jonas, Dupuy), avait compris l’enjeu de la transformation de la condition humaine dès lors que celle-ci serait placée « à l’ombre de la menace » (permanente, de destruction). Ainsi, s’il l’on pouvait affirmer après la découverte des camps d’extermination que « l’humanité était devenue tuable » selon ses propres termes, elle était aussi devenue, et presque concomitamment « mortelle » à l’aube du 6 août 1945. Depuis lors, de nombreuses formes alors impensables et encore difficilement représentables (effondrement de la biodiversité et perspective d’une sixième grande extinction des espèces, changement climatique, posthumain…) viennent constituer l’éventail élargi des modalités de l’autodestruction de l’humanité. Face à cette nouvelle figure du destin, une pensée catastrophiste s’avère nécessaire pour penser ce que nous faisons, qui produirait de l’avenir une image suffisamment repoussante pour qu’elle nous pousse à agir, et surtout à sortir définitivement du modèle de gestion des risques et des logiques de précaution. La question nucléaire est plus problématique que jamais, alors que le caractère fictionnel de la notion « d’arme de paix » nous apparaît au grand jour. Comme tous les objets techniques, la bombe est faite pour servir. La mort récente du « héro » russe Stanislav Petrov qui, dans la nuit du 25 au 26 septembre 1983, évita dit-on la troisième guerre mondiale en refusant se croire le signal d'alarme des satellites de surveillance qui lui annoncent l'attaque de cinq ou six missiles américains contre l'URSS, doit nous rappeler que la menace est plus présente que jamais.

Frédérick Lemarchand est maitre de conférences en sociologie à l’Université de Caen

© Seb Janiak