UCHRONIE

Uchrony, rue Reaumur, 1989


Nostalgie du futur

Gaïa
https://fr.wikipedia.org/wiki/Hypoth%C3%A8se_Ga%C3%AFa

En Mars 1991, une première exposition portant sur ce thème a été présentée dans l’ancien musée des Automates à Paris.
La ville est monstrueuse. Le patrimoine génétique des citadins s’est dégradé de plusieurs dizaines de pourcent en moins de 30 ans.La sédentarisation nous a corrompus. La loi des Hommes a détrôné celle de Dieu.Pourtant la ville ne cesse de grandir, de s’étendre, se répandant sur les hommes telle une tumeur.La ville telle qu’on la connaît demeure un fléau pour l’Humain, n’ayant engendré que des malheurs, polluant l’âme et nos cellules avec la complicité de la télévision, elle est devenue un centre commercial qui n’obéit qu’au pouvoir de l’argent.La ville n’existe qu’un très bref instant sur une échelle géologique. L’apparition de l’Homme ne représente que quelques secondes sur un décompte de 24 heures. Il serait, par conséquent bien prétentieux de s’imaginer que l’être humain pourrait détruire cette fantastique planète bleue, planète qui essuya de nombreux cataclysmes encore plus violents !La logique tendrait donc à prouver l’inverse, à savoir que la Terre aura finalement raison de l’espèce humaine si celle-ci ne la respecte pas.La ville est comme la surface de notre épiderme qui se renouvelle sans cesse.Une petite cicatrice disparaît rapidement mais qu’est-ce que la ville sinon une petite cicatrice à la surface du globe amené inexorablement à s’user puis à disparaître.La ville est éphémère. Seul le vivant peut se reproduire et s’améliorer de génération en génération. Toute construction crée par l’homme commence à se détruire aussitôt qu’elle est finie. Inexorablement, une lente « décomposition » la conduira à la ruine. La nature reprendra ses droits et l’envahira comme pour la digérer. La fin du cycle est représentée par l’eau salvatrice et destructrice (le Déluge).

Uchrony, Notre-Dame de Paris, 1996


« La nature reprenait ses droits sur la culture. Ce qui pousse tout seul engloutissait inexorablement ce qui s’était construit à grande peine, sur la planète Terre, au cours des trois millénaires précédents.Cette vision d’enfer, Seb Janiak nous la présente sous une lumière paradisiaque de dépliant publicitaire. Aperçue rapidement un jour de 1993 au Palais de Tokyo, dans une exposition consacrée à la photo numérique, l’hallucination violeuse s’est attachée à moi (plus que moi à elle). Elle me poursuit tel un souvenir-flash. Pourtant, aucun lien ombilical ne relie cette image quasiment mentale à mon existence. Cette fantasmagorie n’est pas un fantasme. Elle n’évoque, et pour cause, aucune expérience ou sentiment vécu. Ni révulsion ni attirance : un malaise plus tenace qu’une simple sensation insolite.Nous voilà écartelés entre l’imaginaire et le réel, le court circuit technologique inaugurant un sentiment jusqu’ici inconnu dans l’histoire de la perception : la mélancolie du futur. Le mur du temps est franchi. Voici le non futur antérieur mais le passé postérieur. Cela fait beaucoup de stratagème dira-t-on pour une simple trouvaille visuelle. Oui, mais exemplaire d’un nouvel ordre, ou désordre visuel. »

Extrait du livre « L’œil naïf » de Régis Debray :

Uchrony, Ile saint Louis, 1991

Uchrony, Ile saint Louis, détail, 1991

Uchrony, parking Notre-Dame de Paris, 1989

Uchrony, liberty is dead, 1989

Uchrony, boulevard des Italiens, 1996

Uchrony, Grand Palais, 1996

Uchrony, Notre-Dame de Paris, 1989

© Seb Janiak